Lettre à ma maman et mon papa de moi maman
A mon tour, je suis devenu maman il y a peu, ce qui a provoqué pour vous le saut dans une autre génération, celle des grands-parents qu’on appelait Pépé et Mémé, pépère et mémère, grand-père et grand-mère… de votre temps. Maintenant, c’est souvent papi et mamie, sans compter tous les petits noms personnalisés.
Oui, je suis devenue maman de mes enfants et en suis très fière. Et parfois, j’ai l’impression que vous m’en voulez de vous avoir fait franchir cette marche générationnelle et de nombreux « pourquoi » envahissent mon esprit.
Pourquoi ?
Pourquoi vous sentez-vous obligés de me faire des remarques désobligeantes sur ma manière d’élever mes enfants avec leur papa ?
Pourquoi vous placez-vous trop souvent en expert de l’Education ?
Pourquoi ne faites-vous pas comme moi je veux qu’on fasse avec mes enfants, vos petits-enfants ?
Pourquoi ne respectez-vous pas le cadre que je pose, les règles que je demande ?
Pourquoi me faire la leçon qui me montre que je ne sais pas faire alors que vous… ?
Pourquoi attendez-vous tant de moi alors que j’ai toujours besoin de vous ?
Mais comment vais-je pouvoir gagner confiance en moi, en ma capacité à être maman à mon tour ?
J’ai besoin de vous, j’ai besoin que vous me souteniez. Rappelez-vous quand vous étiez jeunes parents, que vous cherchiez des solutions, vous posiez mille questions. Avant de me donner des réponses, vos réponses, attendez simplement que je vous pose mes interrogations.
J’ai besoin que vous écoutiez mes angoisses, mes peurs, mes craintes et que vous m’apaisiez, me consoliez, me renforciez dans ma fonction parentale ; pas dans la vôtre.
Oui, j’ai besoin que vous continuiez de vous mettre à mon service, c’est-à-dire au service de ma nouvelle fonction. Oui, j’ai besoin que vous me montriez encore l’exemple, mais avec moi, pas avec mes enfants. J’ai besoin d’écoute, de réassurance, de douceur, de compassion, de relais, d’amour doux sans jugements de valeur, sans critique (Pour cela, je n’ai besoin de personne, je me trouve souvent nulle comme maman quand je craque, quand je n’arrive pas à faire ce que je veux). Mes enfants ont besoin que je passe du temps avec eux, j’ai besoin que le temps que vous passiez avec moi, maman, soit un temps où vous me ressourciez. J’ai besoin de me savoir en pleine et totale confiance quand je vous confie mes enfants en sachant que vous allez soutenir mon cadre éducatif auprès de vos petits-enfants.
Avez-vous peur ?
Avez-vous peur de perdre votre propre statut de parent ?
Vous resterez mon papa et ma maman pour la vie et même si je ne pratique pas tout le temps comme vous ou comme vous souhaiteriez que je fasse. Je vous aime et vous respecte et cela jusqu’à la fin de vos jours. Ce n’est pas parce que je ne fais pas comme vous avez fait que cela fait de vous des mauvais parents. Une amie, jeune maman a dit à sa propre mère alors qu’elle discutaient éducation: « Toi, tu as été la meilleure des mamans des années 80 ». C’est une magnifique déclaration d’amour et de statut. J’ai besoin encore de vos câlins, de me retrouver dans vos bras, d’un beau et doux regard, de mots d’amour parce que je suis votre fille pour la vie.
Avez-vous peur que je sois meilleure parente que vous ?
Mais nous ne sommes pas en compétition. Je suis devenue ce que je suis en partie grâce à vous et une partie grâce à moi. Je vous demande de respecter cette part qui m’appartient et que peut-être vous pouvez trouver belle. Parce que cette liberté, c’est vous qui me l’avez donnée. Et je ne suis pas meilleure mais différente. Le Monde a changé, les connaissances sur l’Education ont avancé, les neuro sciences sont passées par là. On sait par exemple maintenant que les coups sur enfants sont toxiques. A votre époque, cette information était peu diffusée. Et vous même aviez adouci ce système par rapport à vos propres parents qui possédaient un martinet. Ce n’est pas parce que je ne mets pas de coups à mes enfants, même des tapes sur la main que cela fait de vous de mauvais parents et de moi une maman laxiste qui laisse tout faire. Je ne renie pas l’éducation que vous m’avez donnée. Je ne vous renie pas. Je vous demande juste de me laisser continuer d’évoluer dans ce sens et même de m’encourager dans la bienveillance éducative.
Avez-vous peur d’être inutiles, de ne servir à rien ?
Alors, il faut montrer en s’imposant et imposant ses idées, même au risque de ne pas respecter les miennes. Mais j’ai besoin de vous. J’ai besoin de votre regard accompagnant, j’ai besoin de vos paroles réconfortantes quand je doute. J’ai besoin de vos relais quand je craque. J’ai besoin de vos réponses quand je me pose mille questions, même si je ne suis pas à la lettre vos réponses, elles peuvent me permettre de me forger mes propres idées. J’ai besoin de vos relais quand je suis fatiguée, quand je rentre du travail, quand je n’ai même pas une minute à moi. Rappelez-vous : Je prends ma douche en moins d’une minute, je ne ferme plus la porte des toilettes, je ne dors plus une seule nuit d’une traite, j’ai l’impression de passer mes jours à faire la vaisselle, les lessives, ranger, ranger. Et quand tu arrives chez moi et que tu poses un regard comme sur un champ de bataille. Oui, c’est moins bien rangé que chez vous, mais j’ai des enfants, juste donne-moi un coup de main avec joie et sourire …
Avez-vous peur de vieillir, de mourir ? Alors vous luttez pour ne pas changer de statut, pour trouver que de votre temps, les enfants écoutaient leurs parents, obéissaient… Je vous invite à fouiller en détail votre enfance et vous mémoriserez de nouveau des souvenirs pas si cool que ce que la mémoire nous laisse croire. Etre grands-parents, c’est aussi rester parent jusqu’à la fin des jours. Il n’y a pas de grands-parents qui n’ont pas été parents avant (sauf beau grand-père ou belle grand-mère, mais cas particulier). La grand parentalité n’efface pas la parentalité, elle la modifie, la fait évoluer, je dirai même peut la renforcer.
Avez-vous peur de perdre votre autorité sur moi ?
J’ai simplement besoin d’une autre autorité. Voici une définition qui me parle : « L'autorité s'inscrit dans un rapport au temps, à l'héritage, et qu'elle est vouée, dans son exercice, à disparaître : contrairement au pouvoir, à la domination, à la contrainte, l'autorité vise l'autonomie progressive de celui qui en bénéficie ».
J’ai besoin que vous fassiez autorité à mes yeux, que vous soyez cet élément stable ou, quoiqu’il arrive, vous êtes toujours là pour moi, pour mes enfants. Je peux toujours compter sur vous. Vous répondez à mes appels téléphoniques quand cela ne va pas, quand je doute. Vous me rassurez. Quand je demande conseil, vous me donnez votre conseil, toujours en ouvrant les portes et terminant vos phrases par : « Mais tu fais comme tu veux bien sûr ma fille, et nous serons derrière toi ». Vous me proposez de me soulager sur des courses, tondre ma pelouse, emmener les enfants à tel endroit, une soirée pour que je sois seule avec mon chéri (ou autres). Quand vous êtes dans cet axe là, vous êtes au zénith de mon amour pour vous. Je vous aime tellement. Votre mission, c’est me donner confiance en moi, en cette maman qui doute tellement. Faîtes moi briller le miroir pour que je me regarde et arrête de me trouver nulle et moche pour élever mes enfants.
Qu’est-ce qui me blesse ?
Je suis blessée quand je demande que les enfants se couchent à 20 h 30 et que vous les couchez bien plus tard. Je comprends que des grands-parents tolèrent 10 minutes de plus, mais pas une heure ou 90 minutes de plus. Je paie les pots cassés le lendemain en énervement, fatigue… J’ai besoin que vous respectiez cette règle, même que vous la souteniez.
Je suis blessée quand je vous entends faire du chantage éducatif alors que je vous avais expliqué ce que je demandais. « Si tu es sage, tu auras des bonbons ». Je comprends que ce soit difficile pour vous, mais quand je vous le rappelle, j’attends juste que vous me disiez cela, que vous ne l’avez pas fait exprès, que les habitudes sont difficiles à perdre, pas que ce sont des « conneries » et des détails mes exigences.
Je suis blessée quand je vous entends leur dire qu’ils sont vilains parce qu’ils n’ont pas fait ceci ou cela.
Je suis blessée quand je vous entends me critiquer devant mes propres enfants.
Je suis blessée quand je vois que vous leur donnez des tapes alors que je ne veux pas, quand vous les punissez alors que j’ai choisi la réparation comme ligne de conduite. Et en plus, un GP n’est pas là pour punir.
La petite fille en moi est blessée, la maman en moi est vrillée et tout s’enchevêtre, tout est confus et je me sens seule et sale.
J’ai besoin
J’ai besoin que vous respectiez le cadre et les règles que je pose. J’ai besoin de votre loyauté, de votre exemplarité, de votre soutien, de vos actions, de vos réponses quand j’ai des questions, de votre amour, de votre passion, de votre gentillesse, de votre empathie, de votre confiance et peut-être même de votre admiration pour qui je suis et ce que je fais au mieux de mes possibilités. Tout ce que vous montrez sur qui vous êtes, vous l’offrez en cadeau à vos petits-enfants. C’est votre part d’immortalité que vous plantez dans le cœur de mes enfants. J’ai besoin de vous parce que le jardin de leur cœur est immense et la pollution extérieure forte. J’ai besoin de vous, le jardin de mon cœur est grand et a tellement besoin de votre terreau d’amour.
Je vous aime et j’ai besoin de vous comme cela.
Joyeux Noël
Votre enfant