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9 juin 2017 5 09 /06 /juin /2017 08:36

Je réagis aux annonces faites dans la presse sur le redoublement et me permet ces quelques remarques sur le point de vue d'un pur produit de l'Education Nationale pendant trente ans à différents postes : enseignant maternelle et primaire, enseignant spécialisé (maître G pour les initiés), chef d'établissement, formateur...). Une première remarque me vient immédiatement : "C'est déjà bien qu'on se pose cette question et qu'on ait ce soucis de la réussite des jeunes". Est-ce la bonne question ou les bonnes réponses, c'est de cela que je souhaite débattre.

 

            La question du redoublement, me semble t-il, ne se pose pas de manière binaire en : ça marche ou ça ne marche pas, c'est efficace ou pas ? Dans certains pays, le redoublement existe et dans d'autres pas. Cette question est posée en réponse à un point d'organisation précis : notre pays a fait le choix de réunir les élèves par tranche d'âge. Ce phénomène s'est accentué à partir de l'après guerre avec l'exode rural et de fait la multiplication des classes "unigrades" dans les villes. Nous aurions pu effectuer d'autres choix. Se cacherait derrière cette mesure du redoublement ce postulat que tous les élèves d'une même tranche d'âge devraient apprendre la même chose en même temps, au même rythme, de la même manière avec les mêmes résultats. Si ce n'est pas le cas et que l'élève, pour X ou Y raison ne tient pas le rythme, on lui offre l'opportunité de recommencer de la même manière les mêmes situations, à la même vitesse en espérant que sa maturité physiologique permette cette conformité, ce qu'on appelle le redoublement ou, de manière plus acceptable, l'allongement du cycle. De la même manière se pose l'accélération du rythme de l'élève ou plus communément le saut de classe. Le saut de classe est l'espérance d'une nouveauté, l'espérance que la difficulté saura motiver le jeune, que la marque de reconnaissance soit un marqueur narcissique facilitant.

            En touchant au redoublement, on peut tirer ainsi le fil d'Ariane et soulever de nombreux points à améliorer. La question du redoublement n'est que la face visible de l'Iceberg de l'échec scolaire massif. (122000 jeunes sortant sans diplômes, indications du ministère)

            Or, de mon point de vue, le vrai problème, la vraie difficulté se situe dans la gestion de l'hétérogénéité de la classe par l'enseignant. Et dans la gestion de l'hétérogénéité se trouve la place pour moi trop importante faite aux programmes. En réunissant les jeunes par tranche d'âge, on a pensé à tort que ce serait plus facile pour enseigner et que tous les élèves pourraient ainsi mieux apprendre. A quoi cela sert-il de placer un jeune en échec scolaire (parfois il se place tout seul d'ailleurs) et le faire redoubler ensuite ?

            Il est vrai que la question est complexe quand vous êtes professeur devant élèves, que vous avez 30 jeunes en face de vous, une heure, voire moins, qu'il est 8 h du matin et que vous avez un cours de mathématiques à donner et que la demande implicite et explicite est de voir le programme, tous le programme, rien que le programme sinon vous êtes un mauvais professeur. Qu'il y ait des repères, bien sûr, mais que ces repères deviennent des obligations et que, vaille que vaille, même si certains élèves maîtrisent déjà la notion à aborder, on leur impose la séance, même si certains élèves sont à mille lieux de pouvoir comprendre quelque chose, on leur impose... Ici se situe un vrai problème : organiser les apprentissages de manière à répondre aux besoins diversifiés des élèves. Mais cela nécessite d'autres apprentissages pour les professeurs, je dirai même un changement de pratiques et de posture mais là est un autre débat.

            Une des missions de l'Ecole est de retrouver chacun là où il en est et de l'amener là où il peut. La refonte totale de la formation initiale et continue des professeurs est autrement plus urgente et importante, la refonte totale de l'organisation de l'Ecole est autrement plus importante, repenser l'évaluation, la place des programmes, le temps de présence du professeur sur l'établissement, l'organisation des cours, le rôle du chef d'établissement, l'autonomie des établissements, la question de la relation prof / élève, la question du travail du soir, le système punitif... et j'en passe.

            Juste avoir en arrière pensée que le fait de redoubler ou pas n'est qu'une infime partie du problème de l'échec scolaire, de l'inadéquation entre l'offre de formation de l'E.N. et la réalité de nos jeunes. Les neurosciences nous offrent de belles perspectives de changement, la psychopédagogie également. Mais qui veut vraiment du changement ? Avec cette organisation d'un autre siècle, des réformettes à la marge ne suffiront pas à répondre au défi éducatif de ce siècle.

 

   Bien amicalement à tous

                        Jean-François Laurent

 

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