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4 octobre 2017 3 04 /10 /octobre /2017 10:29

Vingt minutes de télévision pour dire aux parents que c'est un bonheur d'avoir un enfant surdoué... L'émission les Maternelles qui laissait la parole au Docteur Wahl, pédopsychiatre, mettait en exergue la facilité d'avoir ce type d'enfant au motif qu'il n'est finalement pas tellement différent des autres. Quel leurre !

Certes, je ne suis pas médecin et mon propos n'est pas de remettre en question les études, l'expérience et le regard de ce monsieur. 

 

Toutefois, j'ai la chance de diriger un établissement scolaire, 1er et 2nd degré avec un projet spécifique sur ce que l'on nomme la précocité. D'aucuns reprocheront qu'il s'agit-là d'une belle occasion d'augmenter les effectifs avec un projet racoleur. Ceux-là ne vivent pas le quotidien d'un établissement où les équipes pédagogiques mouillent la chemise plus qu'ailleurs.

 

 

Ceci posé, je suis d'accord avec le Docteur Wahl : avoir un enfant APIE est une chance. Des discussions intéressantes, des centres d'intérêt originaux, des interrogations sur le sens de la vie sans fin, une capacité à argumenter qui force l'admiration. Tout ceci est fort bon mais cela ne suffit pas. 

 

J'ai du mal à comprendre que l'on puisse attester qu'ils ne sont pas plus angoissés que les autres, voire moins, lorsque dans la même phrase l'on précise qu'ils ont des tourments métaphysiques et qu'ils mesurent avant les autres les enjeux du bien et du mal. De façon toute personnelle, je me réjouis rarement d'être tourmentée. 

 

Quant au fait qu'ils ne soient pas plus sensibles que les autres mais qu'ils aient plus de talents pour exprimer leur sensibilité, j'y vois un raccourci susceptible de les faire passer pour des comédiens. 

 

Les statistiques réduisant à 1% d'échec au brevet ces élèves-là sont sans doute le fruit du décrochage scolaire tellement plus présent chez eux. Du coup, ils ne se présentent pas, scolarisés à domicile ou orientés sur une voie différente dans les meilleurs des cas. 

Alors ... je vous invite. Je vous invite à venir passer une journée, une semaine, un mois dans cet établissement. Vous pourrez y observer que ce que vous dites peut être vrai pour les plus petits : globalement ils arrivent à faire face aux exigences posées par l'école, parfois avec douleur cependant. 

Vous verrez que les choses se compliquent au collège. 

Vous verrez que la chaîne alimentaire du monde animal les fait pleurer à chaudes larmes, vous observerez qu'il mettent du temps à se remettre d'une dispute avec leur meilleur copain et qu'ils sont bien incapables de faire l'exercice de maths demandé tellement ça les parasite. Jouent-ils la comédie ? Je veux bien le croire concernant l'exercice de maths mais quid de la chaîne alimentaire ? 

 

Du coup, vous verrez des enseignants prendre du temps pour leur expliquer, temporiser "On va traiter ça à 11h, pour l'instant on fait des maths.", rester à midi, le soir pour discuter avec eux, pour les rassurer, pour leur imposer de travailler parce que le sens de l'effort ... ils ne l'ont pas, contrairement à la curiosité qui leur est plus innée. Vous verrez ces enseignants prendre du temps pour les faire écrire quand ils refusent tant ils ont peur de laisser une trace, s'opposer quand ils débordent. Peut-être, simplement, leur apprendre la vie.

Vous verrez des professeurs parfois épuisés par ce quotidien mais heureux de leur être utiles, heureux de partager avec eux.

 

Vous verrez des parents agressifs parce qu'ils ont peur pour leur enfant qui ne fonctionne pas comme les autres, peut-être aussi parce qu'ils rejouent leur histoire scolaire durant laquelle ils n'ont pas été compris, vous les verrez lutter pour être entendus. 

Vous verrez une équipe pédagogique chercher avec eux plutôt que contre eux, discuter, imposer, parler, tenir compte...

Vous verrez que non, ils ne sont pas tous heureux et que leurs tourments métaphysiques les amènent, plus que d'autres j'en témoigne, à remettre en question leur existence, et qu'ils soient dyslexiques, TDAH ou dyspraxiques en plus ne change rien à l'attention que nous leur devons parce que nous avons décidé de travailler avec eux et de les accompagner au mieux. 

 

Je me réjouis, docteur, que vos petits patients entrent dans les cases et dans le flot de vos statistiques mais je me réjouis plus encore que certains de vos collègues qui travaillent le sujet depuis des années comme le docteur Revol, reçoivent des jeunes depuis longtemps, se tiennent disponibles pour les enseignants ou éducateurs que nous sommes afin d'avancer ensemble sur des pistes innovantes. Le mot important dans la phrase précédente est ENSEMBLE. Ces médecins ou psychologues ont l'humilité de reconnaître que nos métiers sont différents et qu'ils n'ont pas à faire face à vingt-cinq ou trente personnes mais à une seule qui est donc leur patient. Dans une classe nous accompagnons vingt ou trente impatients. Le regard est donc très différent, la posture et les besoins également. 

 

Et pour vous être agréable, puisque les statistiques semblent votre carburant, je me permets de vous adresser les miennes : 

Sur les 600 élèves que j'ai l'honneur d'accompagner dans les apprentissages, 35% de collégiens et 65% d'écoliers. Au total, 28% soit 168 élèves sont identifiés "précoces", "haut-potentiel" ou "surdoué". Ils ont passé le test psychométrique qui l'atteste. 

A la fin du collège, sur les 9,33% que représentaient les 3e, le taux d'échec de 5% ne concernait pas ces élèves. Nos APIE ont globalement réussi ! 

 

Et je gage que c'est précisément parce que nous avons tenu compte de leurs spécificités, de leurs particularités et qu'ils se sont sentis reconnus, appréciés, oserai-je dire aimés, dans un établissement prêt à y mettre une énergie peu commune mais nécessaire. 

 

Oui, les « précoces » heureux existent et tant mieux mais j'avais besoin de vous dire que ceux qui peinent sans trouble associé et que vous semblez balayer d'un revers de statistique méritaient mieux que vingt minutes de télévision pour dire qu'ils n'existaient pas. 

 

Venez, vous verrez !

 

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commentaires

R
J'étais mariée à mon mari pendant 5 ans. Nous vivions ensemble heureux pendant ces années et pas tant qu'il ne s'est pas rendu en Italie pour un voyage d'affaires où il a rencontré cette fille. Depuis, il me déteste, aime les enfants et ne l'aime que. donc, quand mon mari est rentré du voyage, il a dit qu'il ne voulait plus nous revoir, moi et mes enfants, alors il nous a conduits hors de la maison et il se rendait maintenant en Italie pour voir cette autre femme. donc moi et mes enfants étions maintenant tellement frustrés et je restais juste avec ma mère et je ne traitais pas bien parce que ma mère s'était mariée à un autre homme après la mort de mon père, donc l'homme avec qui elle s'était mariée ne la traitait pas bien et mes enfants étaient si confus et je cherchais un moyen de ramener mon mari à la maison parce que je l’aimais et le chérissais tellement un jour que j’étais en train de naviguer sur mon ordinateur j’ai vu un témoignage sur ce témoignage de castrateur partagé sur Internet par une dame et cela m'impressionne tellement que je pense aussi à l'essayer. Au début, j'avais peur, mais quand je pense à ce que mes enfants et moi traversons, je le contacte et il me dit de rester calme pendant seulement 24 heures afin que mon mari revienne vers moi et à ma plus grande surprise, j'ai reçu un appel. de mon mari le deuxième jour en demandant après les enfants et j'ai appelé et il a dit que vos problèmes sont résolus mon enfant. c’est ainsi que j’ai retrouvé ma famille après un long stress causé par une dame diabolique, alors, avec toute cette aide de DR ODION, je tiens à ce que tous les membres de ce forum se joignent à moi pour dire un grand merci à DR ODION. des conseils pour tous ceux qui rencontrent des problèmes similaires ou similaires ou pour tout type de problèmes devraient également le contacter par courrier électronique. Il est la solution à tous vos problèmes et à toutes les difficultés de la vie. une fois de plus son adresse e-mail est (drodion60@yandex.com) ou lui WhatsApp via +2349060503921 En effet, il est un Dieu envoyé.
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A
Merci pour cette article, les précoces heureux sont malheureusement l'exception et pas la règle.<br /> Notre système éducatif ne peut pas être performant pour eux dans l'état, on peut sauver ceux qu'on a identifiés et traités de manière spécifique, mais on ne les détecte pas tant que ça.
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C
Je crois reconnaitre dans cette lettre la directrice de l'établissement dans lequel est scolarisé mon fils. Je profite donc de cette occasion pour vous remercier tous pour ce que vous apportez chaque jour à nos enfants. L'attention de chacun, la bienveillance et j'en passe. A discuter avec des amis dont les enfants APIE eux aussi, sont scolarisés dans des établissements plus classiques et qui pour certains recoivent quotidiennement des brimades résultant d'une incompréhension de leurs enseignants, je me rends compte de la chance que nous avons. Je dis affectueusement que c'est une école de Bisounours - au bon sens du terme bien sur. <br /> Merci pour tout !
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V
Merci à cette courageuse cheffe dont j'aimerais connaître les méthodes et le quotidien. On entend ici aussi des aberrations fatigantes : votre réponse et votre humour tombent à pic. Combien de temps devrons-nous répéter ces évidences : oui, nous existons, nos élèves aussi. Non, nous ne sommes pas "précoces", ni eux,car il ne s'agit pas d'être en avance ou en retard. Non, ce ne sont (et nous ne sommes) pas des comédiens... Oui, ils ont besoin d'être reconnus dans leur spécificité. Pour le moment, ici, c'est encore crier dans le désert.
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A
Lettre tellement juste, mais posture si peu commune dans l'enseignement. Je fais le voeu d'avoir la chance de croiser une directrice d'établissement telle que vous dans la scolarité de mes enfants. Une maman épuisée par tant d’incompréhension de la part de l'ECOLE.
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Qui Suis- Je ?

  • : Le blog de Jean-François LAURENT
  • : Présentation de mes activités de formateur, conférencier et écrivain dans les domaines de l'éducation : enfants intellectuellement précoces, HPI, EIP, APIE, ainsi que tout ce qui touche l'autorité, la violence, le conflit, les règles dans les établissements scolaires. Me retrouver sur le site : www.jeanfrancoislaurent.com
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