24 octobre 2012
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Témoin privilégié du quotidien d’un chef d’établissement secondaire (collège), je suis interpelé par sa fonction de maintien du cadre et cette
fonction me semble prendre de plus en plus d’espace au collège.
Au préalable, prenons la précaution de préciser que mes analyses reposent sur des éléments qualitatifs et non quantitatifs, sur l’observation du quotidien et non sur des statistiques, l’une des
méthodes ne s’opposant pas à l’autre.
Plusieurs remarques 

- Le collège doit tenir, voire contenir les jeunes. Qui le fera autrement ? Les familles le font moins, le peuvent moins, ont moins de ressources pour effectuer cette mission de
construction de l’individu par l’apprentissage des limites. Les « psy » diraient, l’élaboration du surmoi. La société au sens large le fait moins : les voisins, les éducateurs ou
arbitres de sport sont contestés, la famille élargie qui n’est plus à proximité, incivilités non reprises par l’entourage …
- Tout reposerait de plus en plus sur la famille : parents, alors qu’un mariage sur trois ne tient pas, que la recomposition familiale n’a pas encore donné de place officielle au beau-parent
dans la responsabilité du jeune au quotidien, que les parents n’ont plus de modèles à suivre pour élever au sens propre leurs enfants, qu’ils ont peut-être moins d’énergie alors que les jeunes de
cette génération en demanderaient plus, voire la concentration d’énergie ne repose plus sur un nombre de personnes assez important.
- Les parents ont des difficultés à identifier le « non » comme un signe d’amour, de sécurité, de construction de l’individu. Lui dire « non » en fermeté bienveillante, c’est
le soulager d’un poids, c’est l’aider à grandir, à conserver sa place de jeune qui n’a pas encore le poids des responsabilités sur les épaules. C’est lui dire : « je t’aime ». Pour
les soutenir, il existe le collège. Mais ce mariage forcé a l’air « contre nature » ? Et pourtant, c’est une des voies indispensables à suivre. Il faut s’apprivoiser.
Revenons à notre directrice de collège qui passe beaucoup de temps à montrer aux parents comment agir envers le jeune, à redonner toute la place d’autorité aux parents, aux professeurs, aux
adultes au sens large. Et parfois, c’est difficile et cela passe par l’épreuve de force avec le jeune qui n’est plus habitué à obéir, à accepter l’autorité, à prendre sa part de responsabilité
dans un accrochage avec un professeur, dans une absence de cours plus ou moins couverte par la famille.
Non, il est de salubrité publique de collaborer entre parents et corps enseignant ? Oui, mais comment ?
- En acceptant que seuls, on ne peut y arriver. Les parents comme les professeurs ont besoin les uns des autres dans une logique de confiance.
- En étant cohérent sur les limites posées et leur traitement en cas de transgression de règles.
- En étant explicite sur le règlement interne de l’établissement avec des règles qui ont du sens pour les jeunes, des règles respectées de tous, cooptées, y compris des professeurs qui doivent
être exemplaires : exactitude horaire, langage, expression de la colère avec des phrases « je » et l’expression de ses ressentis et non de jugements portés sur l’autre, arrêt
des renvois systématiques de cours...
- En donnant des espaces de paroles aux jeunes avec des coins écoutes, tuteurs, place dans les différentes instances de pilotage de l’établissement, foyers.
- En proposant des rituels de passage aux jeunes : remise de diplômes, pot d’accueil, de départ, célébration de fêtes diverses, journées à thèmes…
- En stoppant cette logique compétitive de notation pour aller vers une logique coopérative d’accompagnement du jeune dans sa scolarité. L’échec scolaire est violent pour tous et en premier lieu
pour les jeunes eux-mêmes. Ce qui ne veut pas dire laxisme !
- En privilégiant la sanction réparatrice plutôt que la punition qui attire d’autres punitions. (Ce sont souvent les mêmes qui se retrouvent collés ou avec des mots sur leur carnet de
correspondance). Si cela marchait, cela se verrait par la baisse de la récidive. Or, ce n’est pas le cas !
Et notre directrice passe beaucoup de son temps à recadrer, reprendre des jeunes, les confronter à un « non » ferme et responsabilisant, à expliquer aux parents comment faire, à
rassurer des professeurs déstabilisés. Changer de logique, ce n’est jamais simple et pourtant, c’est indispensable !
Jean-François Laurent, formateur, conférencier, écrivain
Jean-François LAURENT
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dans
médiation - gestion de la violence - autorité à l'éc
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