Je me lève très tôt le matin et j'écoute les informations pour tomber sur les unes des journaux du jour. Titre d'un des quotidiens nationaux :
"Retour des cours de morale à l'école".
Ce titre fait suite au décès d'une jeune fille de treize ans à la sortie de son collège, battue à mort par le frère d'une collègue de classe.
Il me semble que dans cette phrase, "Retour des cours de morale à l'école", il y ait deux mots de trop : -des- et -cours-.
Et si on titrait : "retour d'une morale à l'école".
Je ne suis pas en train de clamer que les professeurs n'ont plus de morale, que les enfants, les jeunes, les parents n'ont plus de morale, mais que le
système n'est pas moral pour les jeunes et a une part de responsabilité sur le drame qui s'est déroulé dans le midi de la France.
Quand a-t-on appris à ces jeunes en quoi la vengeance était destructrice pour soi et pour l'autre ?
L'école ou le collège a-t-il eu des lieux, des temps où l'institution scolaire a favorisé, renvoyé une image positive des jeunes ?
Quand a-t-on appris à ces jeunes à identifier puis gérer leurs émotions ?
Y avait-il un adulte ressource pour recueillir ce mal-être de cette jeune fille submergée par sa violence ? Une infirmère, un surveillant, un
CPE, un professeur tuteur ?
Quand a-t-on appris aux professeurs, éducateurs, parents à gérer un conflit en bienveillance, à cadrer leurs élèves en bienveillance, à crier
leur colère de manière acceptable et constructrive, à recueillir la colère, la tristesse, la peur des jeunes avec la volonté et le savoir pour le jeune d'en faire quelque chose, à sanctionner
plutôt que punir ... Quand ?
A-t-on appris aux jeunes qui ont vu la scène à intervenir sans danger et en efficacité ?
Je dénonce, je dénonce, mais qu'est-ce que je propose ?
- Je propose :
- Une école, un collège plus coopératif et moins stigmatisant les jeunes en difficulté d'apprentissage. C'est à dire la suppression des notes,
des classements, la recherche de l'hétérogénéité dans les classes qui favorise l'entraide et l'image positive de soi, travail par projet, en groupe, en petits groupes...
- Une école, un collège où des cours sur les émotions, la gestion enrichissante des conflits, la médiation, les relations sont proposés dès le
plus jeune age.
- Une école, un collège qui forme ses professeurs à la relation éducative, qui leur apprend à travailler sur les concepts de sanctions /
punitions, sur les signes de reconnaissance positifs,
- Une école, un collège qui a retravaillé sur son règlement intérieur, sur le rapport à la loi.
- Une école, un collège qui réunit parents et professeurs ensemble en équipe autour des jeunes.
- Plutôt que des leçons de morale sur des maximes simples et courtes,
- Plutôt que des portiques électroniques de détection des métaux,
- Plutôt que des policiers dans les établissements scolaires,
- Plutôt que le renforcement de mesures disciplinaires.
Je n'ai pas vocation à trouver seul le remède à la bonne marche de l'Institution scolaire, mais sur ces registres de morale, violence, épanouissement,
gestion des émotions,... les pistes que j'ai explorées avec d'autres donnent des résultats. Pas comme modèle, mais en exemple pour se dire que c'est possible
"Hier matin, après avoir introduit, comme tous les matins durant une huitaine de minutes, la journée par un temps d'interiorisation, de relaxation avec des
enfants de quatre à 12 ans ensemble, (Ils étaient 40) nous avons travaillé sur une maxime de réflexion : "Le plus grand secret du bonheur, c'est d'être bien avec soi"
Puis nous avons fait une dictée non notée et adaptée à tous les niveaux où les enfants ont pu se relire, travailler, s'aider, être félicités ou
mis devant leurs responsabilités. Puis, nous avons tous écrit des lettres de remerciements aux parents d'élèves qui nous ont tant aidés pour la fête d'école... Durant la journée, je leur ai lu
une histoire comme tous les jours, ils ont lu aux petits de la classe de cycle deux, nous avons regardé une vidéo de l'émission "c'est pas sorcier" sur la culture Maya. Nous avons joué à
reconnaître des grands morceaux de musique classique (la petite musique de nuit, la cinquième symphonie de Beethoven, le Boléro de Ravel...) nous avons fait du calcul mental par
jeux...
Et nous étions heureux de vivre, travailler, se facher, exiger, rouspéter, rire... et apprendre ensemble.
Le soir, je recevais une maman qui m'a glissé, avant de partir, une lettre dont voici un extrait :
"... J'ai senti que mon enfant changeait doucement mais surement et qu'elle commençait à mieux mémoriser, à mieux apprendre, à mieux
comprendre... et cela a changé mon regard sur elle. Alors, je voulais vous dire et surtout vous écrire... Je crois que vous appelez cela un chaudoudou, alors oui, c'en est un et un vrai
!"
Ce qui veut bien dire que c'est possible, que le système pourrait bouger avec une volonté des acteurs et des décideurs pour une école plus
douce, plus accueillante, plus apprenante de la vie, plus morale quoi !
Eduquer, c'est une histoire d'Amour
Jean-François LAURENT