Nous entendons de plus en plus souvent parler du cadre bienveillant qui revient en boucle, qui devient indispensable et j’en suis convaincu. Souvent, nous nous concentrons sur la bienveillance. Aujourd’hui, je vais poser mon regard sur le cadre. Comment poser le cadre avec un tout petit ? De quel cadre parle-t-on ? Y a t-il plusieurs cadres ?
Avec nos petits précoces comme avec les grands d’ailleurs, ceux-ci vont se servir du cadre pour avancer, se structurer et se rassurer. Le cadre ne se réduit pas à poser des interdits afin que le jeune vienne s’y frotter et voit les effets de la transgression sur les adultes responsables. Le cadre, c’est aussi créer les espaces dans lesquels le jeune évoluera, limiter cet espace, organiser cet espace, permettre des relations saines dans cet espace. Le cadre pour moi est à la fois le contenu et le contenant. Nous pouvons donc poser notre regard autant sur les couleurs de la toile que sur les limites du tableau.
Nos petits précoces, encore plus que les autres jeunes, ont besoin de ce cadre sur lequel s’appuyer pour naviguer. Un jeune qui n’a pas de cadre ou un cadre trop fluctuant en fonction des personnes ou des circonstances risque de beaucoup souffrir. Il peut développer des angoisses, des difficultés à accepter les contraintes, voire plus développer des pathologies.
Qu’est-ce que j’appelle le « petit cadre » ? Ce sont tous ces petits riens qui facilitent la vie ensemble : la politesse, la formulation, la tenue, l’aide à la collectivité, le respect des horaires, le respect des fonctions au sein de l’organisation… et il est fondamental de les tenir. « Kévin vient d’arriver chez ses grands-parents. Il est enthousiaste et déborde d’émotions qui le font partir dans tous les sens. Le premier repas arrive très vite et l’enfant déborde, parle mal, a des demandes insistantes qui ne conviennent pas. Pendant 45 minutes, les grands-parents ont repris l’enfant : « Merci qui ?... S’il te... ? Oui, s’il te plat qui ?... Tu ne parles pas comme cela, tu parles normalement, sans pleurer. Tu demandes pour sortir de table. Comment dit-on ? »
Et à chaque reformulation correcte, l’enfant est félicité. Les adultes ne lâchent pas un pouce de terrain sur la forme, ils balisent le chemin avec ces petits riens qui deviennent rassurants, cadrant pour l’enfant. Le deuxième repas s’est passé de bien meilleure manière. Ce petit cadre donne le « la » au grand cadre, celui qui pose les grandes directions. Le tout jeune enfant, s’il est guidé sur les petites règles, se sent rassuré et de ce fait a moins envie, voire besoin de transgresser les règles. Il se sent mieux et sait mieux écouter ses émotions, ses envies, les exprimer de manière correcte. Il est plus calme, posé, tout comme l’adulte qui ne se retrouve pas à passer son temps à reprendre l’enfant pour n’avoir su le rassurer dès le départ. Cadrer un enfant de manière juste et douce, c’est l’aimer et l’aider à se construire, à se canaliser. Pour nos petits précoces dont les émotions sont débordantes, c’est un processus indispensable à leur bonheur. Pouvoir s’appuyer sur un adulte stable, harmonieux, ferme et juste.
Pour un adolescent, il est important également de tenir sur ces petites règles du quotidien comme mettre la table, ramasser son bol. Si l’adulte ne tient pas sur ces petites règles, le jeune ira chercher l’adulte sur des règles plus importantes comme les horaires de sortie, fumer ou boire… Ce qui ne garantit absolument pas qu’il n’y aura pas de transgressions majeures.
Nous le voyons souvent, tenir les règles commence par tenir les petites règles du quotidien qui balisent le chemin de confiance du jeune.
Jean-François LAURENT
- J-F, comment a été écrit ce livre ? D'où vous est venue l'idée ?
APIE Baby est un livre écrit à deux mains : Marie-Restitude, la maman et moi-même Jean-François le grand-père. L'idée a germé progressivement quand j'ai vu tout ce qui était mis en place pour éduquer mon petit-fils par ses parents et notamment sa maman. Je voyais en pratique dès la naissance de nombreux concepts que je développais en théorie ou en pratique, mais pour des enfants plus grands.
- Qu'est-ce qui vous surprenait ?
Sa manière de lui parler, de gérer ses pleurs, de le comprendre. Puis ensuite la gestion des colères du petit, de comment on réagissait quand il tombait, pleurait, pour le calmer... A force de se confronter ensemble, de croiser nos lectures, nos interrogations, nos manières de faire, nous avons élaboré des stratégies, approfondi nos pratiques.
- Et les résultats ?
Géniaux et surprenants. C'est un enfant certainement précoce avec des émotions à fleur de peau. Nous le nourrissons aux chaudoudoux (signes de reconnaissance positifs), aux encouragements, au cadre bienveillant. C'est un enfant qui sait dire oui et non, nommer ses besoins. Pour le moment, il a confiance en lui. Même si parfois ce n'est pas évident.
- A t-il encore des colères ?
Il en aura jusqu'à la fin de ses jours, et pour le moment les neurosciences nous montrent que son cerveau n'est pas équipé pour gérer sereinement ses émotions fortes. il déborde encore et c'est normal. Ce qui ne veut pas dire que ce soit agréable. C'est la manière de gérer ses émotions débordantes qui change.
- Alors que faites-vous quand il "crise" ?
S'il tape, nous nous baissons à sa hauteur, stoppons les gestes et le prenons dans nos bras pour l'apaiser. En fonction de la situation, nous respirons, marchons, parlons... Mais dans un premier temps, nous recueillons ce débordement. Nous ne lui crions pas après, nous ne l'isolons pas parce qu'il ne saurait quoi faire de ses émotions, puis ensuite nous mettons des mots sur sa colère, cherchons ensemble comment réparer. Puis nous reprenons la situation là où elle en était. On ne peut reprocher à un aveugle de ne pas voir, on ne peut reprocher à un tout petit de déborder de colère. On doit l'accompagner tranquillement.
- Pouvez-vous me donner un truc que la maman a mis en place et que vous avez particulièrement apprécié ?
Je pense tout de suite à l'image du décodeur. La maman dit toujours qu'elle a avalé un décodeur pour gérer son fils. Quand le petit la tape, elle se dit immédiatement qu'il y a quelque chose qui ne va pas en lui, mais qu'il ne sait pas non plus ce qu'il a. Elle a intégré le fait de ne pas se sentir blessée quand il la tape. Elle sait que c'est parce qu'il l'aime fort qu'il se permet de déborder de tensions accumulées ou de malaises. De ce fait, elle est ouverte pour accueillir ce tumulte intérieur du petit.
- Si on revient au livre, pour qui le destinez-vous ?
Il intéresse tous les parents d'enfants de 0 à 2 ans ou futurs parents, et en particulier les parents d'enfants précoces. Il intéresse également tous les professionnels de la petite enfance : assistantes maternelles, ASEM, éducatrices de jeunes enfants...
- Où pouvons-nous acheter ce livre ?
Vous pouvez l'acheter sur mon site : http://www.jeanfrancoislaurent.com en boutique ou alors lorsque je donne une conférence. Il est soit sous forme papier ou en pdf.
- Une conclusion ?
Nous nous situons dans le champ de l'éducation positif et bienveillante. Les pratiques courantes nuisent à l'épanouissement et la confiance du tout petit. Quand la majorité des petits sont encore mis au coin, humiliés, punis, voire frappés. Quand on leur dicte ce qu'ils doivent ressentir avec des remarques du type : "C'est pas grave... Faut pas pleurer... T'es vilain..." , ils perdent confiance, ils se sentent dévalorisés. Il est urgent de pratiquer autrement. Nous sommes vraiment en retard en France, que ce soit dans les familles ou à l'école, les pratiques utilisées ne conviennent pas. Les enquêtes PISA nous situent dans le peloton de queue. Il est urgent d’acquérir d'autres pratiques.
Cela fait deux mois qu’un petit-fils est né
Cela fait deux mois que tu es né et je n’en reviens toujours pas. Qu’avais-je oublié d’écrire alors que tu venais au Monde.
A ce moment-là, j’avais peur de ne pas t’aimer, de ne pas savoir t’aimer.
A ce moment-là, j’avais peur de ne pas m’attacher, de ne pas vibrer.
A ce moment-là, j’avais peur de trahir ton grand frère, j’avais peut-être simplement peur de moi.
Puis, tu es né et nous avons fait connaissance, doucement, progressivement, pas à pas… Magie de l’amour.
J’avais oublié que tu me charmerais :
Avec tes sourires aux anges et aux âmes, aux anges et à mon âme, ta petite bouche qui se tord et moi qui attends ce cadeau,
Avec tes gazouillis, tes « arreuu » à n’en plus finir,
Avec ton regard bleu qui pénètre au plus profond de moi,
Avec ta petite main qui t’entoure à un de mes doigts,
Avec tes petits pleurs qui me touchent,
Avec la chaleur de ton corps quand tu t’endors dans mes bras.
Avec ton odeur de lait qui m’évoque tant de souvenirs.
… Avec toi tout simplement petit être…
Quand je te regarde prendre le bain avec ton papa, si petit dans sa main,
Quand je te vois prendre le sein avec ta maman, niché si câlin,
Quand je te vois observer ton grand frère, dynamique et entrain,
Quand je te vois dans les bras de grand-mère te berçant en refrains,
Tu as fait grandir en moi ma capacité d’aimer,
Tu as fait grandir en moi ma sensibilité
Tu as fait grandir en moi mon aptitude à m’émerveiller
Il fallait juste le temps de vivre ensemble, de partager nos moments de joie, de peine, nos siestes et nos promenades.
Il suffisait de tisser, tricoter ce lien au-delà du sang commun.
Il suffisait de croire en l’amour…
Et j’y crois. Je n’ai plus peur.
Je t’aime, tout simplement.
Ton grand-père
- Au cours du mois d'avril, un nouveau livre de Jean-François Laurent va sortir sur son site et au cours de ses conférences ou formations. Il s’intitulera : " APIE Baby".
- Quel est le sujet du livre ?
Le livre décrit comment élever un petit enfant de la naissance à sa troisième année de vie dans une logique d'éducation à la bienveillance et à la confiance. Comment élever nos petits et conserver, voire développer leur potentiel confiance ? Comment réagir devant des pleurs, des crises ? Comment poser un cadre ferme et bienveillant ?
- Quel est votre public cible ?
Je cherche à toucher en priorité les parents de très jeunes enfants. Comment veulent-ils élever leur petit ? Punition ? Fessées ? Coin ? Cris ? Récompenses ? Pour nous, bien sûr, c'est non, mais alors que mettre en place ? Comment faire autrement ?
- Vous appuyez-vous sur le champ de l'éducation positive ?
Totalement, les dernières recherches en neuro sciences nous donnent raison. Ce que nous sentions devient scientifique. Je me réfère aux travaux d'Isabelle Filliozat, de Catherine Guéguen, d'Alice Miller, le champ du positivisme, mais avec un aspect très pratique : Comment faire autrement ?
- En quoi cela touche également le secteur de la précocité intellectuelle ?
Nos petits précoces sont tellement sensibles que, si nous souhaitions développer leur confiance en eux, indispensable pour leur épanouissement, il était indispensable de donner place à leurs émotions, de les traiter en grande bienveillance. Ils sont dans des amplitudes émotionnelles fortes qui nécessite vraiment un traitement pointu, doux et ferme. Ce que nous proposons fonctionne pour tous les enfants, mais pour les précoces, c'est encore plus indispensable.
- Comment a t-il été écrit ?
Il a écrit à deux mains : Marie-Restitude, maman d'un petit garçon qui a maintenant presque trois ans, responsable des études dans un établissement scolaire qui fonctionne dans cette logique bienveillante et moi-même, formateur, conférencier, père, beau-père et grand-père.
- Va t-il évoluer ?
Oui, il va évoluer rapidement. les moyens informatiques modernes nous permettent de bouger facilement pour compléter un livre. Marie-Restitude a eu un deuxième enfant qui ne lui a pas laissé assez de temps pour écrire. D'ici trois mois, nous modifieront l'ouvrage en envoyant à tous ceux qui l'auront acheté un complément PDF.
- Sous quelle forme l'éditez-vous ?
Il sera vendu sous format papier au cours des conférences et en version PDF à distance, sauf pour ceux qui tiennent à tout prix à l'avoir en format papier et qui le demande de manière spécifique.
Longue vie à cet ouvrage qui vient s'inscrire dans la collection des Be APIE.
Après BE APIE, Be APIE junior, Be APIE à l'école, voici APIE Baby... A retrouver sur le site : www.jeanfrancoislaurent.com
Hier, un petit est né, le fils de ma belle-fille et de mon gendre.
Hier, un petit est né, un petit qui n’est pas de moi, un petit qui n’a pas mon sang, même pas une goutte, un petit qui n’a pas mon nom, même pas une lettre… Hier un petit est né blond alors que je suis brun, des yeux bleus alors que les miens sont noirs. Quand se déclarent au-dessus de son berceau les concours de ressemblances : à qui le nez, le menton, le front, la taille, je n’y suis pas, je ne peux pas.
Qu’allons-nous avoir de commun ? Que nous reste-t-il à partager si nous n’avons pas ça ?
As-tu deux bras, deux jambes comme moi ? As-tu une pensée, des envies, des besoins, des manques ? As-tu des blessures à soigner, des émotions à écouter, de l’amour à donner ?
Si tu as besoin d’un grand-père pour jouer à cache-cache,
Si tu as besoin de t’endormir à califourchon sur son avant-bras,
Si tu as besoin de faire la sieste à côté de lui,
Si tu as besoin d’un grand-père qui posera un regard doux sur toi,
Si tu as besoin d’un grand-père qui laissera tout quand tu l’appelleras pour venir près de toi,
Si tu as besoin d’un grand-père qui t’emmènera observer les chevaux dans les prés voisins,
Si tu as besoin d’un grand-père qui te lise des histoires et te chante toujours les quatre chansons pour enfants qu’il connaisse,
Si tu as besoin d’un grand-père qui t’emmène en montagne te promener et te raconter la nature,
Si tu as besoin de faire la course sur la plage de Calvi et de gagner à chaque fois,
Si tu as besoin d’un grand-père qui te laisse te promener à ton allure, dans ta direction,
Si tu as besoin d’un grand-père ronchon quand il a faim, qui ronfle quand il dort,
Si tu as besoin d’un grand-père fan de ton papa et ta maman,
Si tu as besoin d’un grand-père pour t’aimer, te prendre dans ses bras, te protéger,
Si tu as besoin de tout cela et plus encore, alors, nous nous choisirons.
Tu es né hier et tu ne me connais pas.
Tu es né hier et tu ne me ressembles pas.
Mais tu es né hier et je t’ai pris dans mes bras.
Ton Bachou
Je te souhaite pour 2016
Pour cette nouvelle année, je te souhaite d’avoir peur à bon escient. Je ne te souhaite pas de n’avoir plus peur, ce serait une mise en danger, une prise de risques inutiles. Je te souhaite d’avoir peur quand il le faut uniquement. Mais cela, c’est difficile. Nous avons une vraie difficulté avec la peur, cette émotion qui devrait être un levier pour avancer.
La peur est une émotion d’anticipation, de mouvement. Elle vient nous signaler, nous rappeler que nous avons en mémoire qu’un événement similaire à celui qui va arriver s’était plus ou moins bien passé. Une émotion qui arrive avant l’action pour mobiliser nos ressources, notre énergie et non pas pour nous inhiber et nous empêcher d’avancer. La peur est là pour nous éviter de commettre deux fois la même erreur. Je donne un exemple :
- Demain, tu as un rendez-vous important pour une éventuelle embauche. Tu as peur. Alors, tu mobilises ton énergie pour te faire « beau ou belle », tu relis tes notes sur l’entreprise, sur tes compétences, tu te prépares physiquement. Tu mets en place tous les éléments pour être le meilleur possible.
- Demain, tu as un contrôle d’anglais et tu as une boule au creux du ventre qui te signale un danger. Mais quel danger ? Comment s’est passé ton dernier contrôle ? As-tu eu une bonne note ? Que s’est-il passé ? Comment peux-tu faire mieux pour te sentir bien ? Dois-tu modifier ta méthodologie de révision, de préparation ? Comment gères-tu ton stress ?
On mesure ainsi l’utilité de la peur, ce levier mobilisateur d’énergie quand il est identifié, recueilli, utilisé à bon escient ? Il nous permet un retour sur le passé pour l’analyser, modifier un comportement, une action qui nous a déçus, apporter des améliorations. La peur protège également. Imaginons le plongeur qui ne respecte plus les procédures de sécurité, qui ne respecte plus les paliers de décompression. Imaginons le zingueur qui monte sur un toit et ne met plus son casque ni ne s’attache sur un toit pentu, il se met en danger, il prend des risques inutiles. Cette petite pointe de peur au creux de l’estomac sera là pour le prévenir et le protéger d’une imprudence.
La difficulté que nous rencontrons est que la peur a été utilisée et est encore majoritairement trop utilisée pour élever nos jeunes et les faire obéir. On menace pour obtenir, on joue sur la peur : « Tu vas voir si tu ne fais pas ça ! … Cris ! Coups, brimades, punitions pour élever son enfant souvent parce qu’on a été élevé ainsi et obtenir rapidement le comportement attendu quel que soit les moyens utilisés. Cela pose problème parce que l’enfant ne sait plus à quoi sert la peur : à se soumettre et obéir aveuglément en étant dominé ou à mobiliser de l’énergie pour modifier l’avenir ? Quand tu as été élevé avec le levier de la menace et donc de la peur, les pistes sont brouillées. Tu ne sais plus lire tes émotions et prendre l’information. La peur vient te tétaniser, t’empêcher d’avancer. Tu te caches parce que tu as peur alors que tu devrais te révolter, affronter, mobiliser ta belle énergie pour franchir l’obstacle devant toi. Petit, et même plus grand, tu as pu être trop souvent confronté à des peurs dirigées pour te soumettre ou obéir alors que ce n’est pas ta volonté première, de ce fait, tu peux également ne plus identifier du tout les signes de la peur : accélération du pou, crispation au niveau du ventre, fébrilité, accroissement de la perception sensorielle, sudation, tremblements. Ils peuvent même disparaître et là, tu te mets en danger inutilement.
Une personne qui a peur mais dont l’énergie s’est transformée en crainte et repli sur soi, sur protection, n’ose plus. Elle perd son élan naturel à aller vers les autres, à prendre des risques mesurés. Oses-tu parler à cette personne que tu ne connais pas ? Oses-tu demander un service à ton voisin ? Oses-tu dévoiler tes sentiments amoureux à la personne que tu aimes ? Oses-tu penser et dire ce que tu penses ? Oses-tu oser ? Oses-tu apprendre quelque chose de nouveau, prends-tu ce risque de ne pas savoir ? Nous devons nous poser cette question : Qu’est-ce que je risque à aller à la rencontre ? Qu’est-ce que je risque si je fais cette action ? Si j’ose changer de profession, de lieu de vie ? Juste aller frapper à la porte de son voisin…
A force d’utiliser la peur pour dominer, certains malfaisants s’en servent pour brouiller les pistes, pour tenter de dominer le Monde. Quand tu vois ce que fait Daesh, ils jouent sur la carte de la peur qui inhibe. Ils tentent de reproduire ce schéma de l’enfance pour obtenir les mêmes comportements à l’âge adulte, le même comportement au niveau d’un macro système, d’un pays, tout cela pour dominer, pour imposer. Ne laissons pas gagner la peur malfaisante, à vocation de dominance.
Pour un petit ou grand précoce, cette peur peut prendre de l’amplitude qu’il n’est plus facile d’analyser. La peur est pour un précoce une difficulté majeure pour aller à la rencontre d’autrui, pour apprendre, se confier, vivre en plus grande harmonie.
Aussi, je nous propose et nous souhaite d’avoir peur à bon escient. Ayons cette émotion pour nous signaler qu’il ne faut pas reproduire un schéma destructeur, mais ayons cette peur qui nous fait nous lever, aller vers l’autre, discuter, rencontrer, même si nous avons peur des différences, même si nous avons peur de l’inconnu. Osons cette peur juste et saine qui nous rend plus fort, plus beau, plus droit, plus juste, plus solidaire. Ayons cette peur qui nous responsabilise, qui nous dit que Daesh, ce n’est pas la faute du voisin, mais nous portons une responsabilité. Je porte une responsabilité.
La peur permet de changer l’avenir… Mais pour un Monde meilleur !
Jean-François Laurent
Cette année, mon fil rouge sera la sortie par le haut et le rapport à la peur, émotion envahissante pour un APPIE.
Qu’est-ce que j’entends par sortie par le haut ?
Lors d’un conflit ou d’une transgression de règles, le jeune ou moins jeune d’ailleurs, notamment chez les précoces (en tout cas, c’est accentué chez eux), la personne peut se sentir coupable et avoir un poids à transporter en rapport à la transgression qu’elle a commise. Elle se sent mal. Pour se sentir bien, elle a besoin de pouvoir réparer, se racheter. La méthode classique de gestion des conflits est de punir la victime qui peut trouver quelque part un moyen de « racheter sa faute » en souffrant, en s’infligeant un autre préjudice à la hauteur de la transgression afin de se retrouver à égalité avec la victime. De ce fait d’ailleurs, elle peut se sentir victime très facilement d’une injustice par la nature ou l’ampleur de la punition qu’on lui a infligée. Mais la personne conserve au fond d’elle son statut négatif de transgresseur. Nous mettons face à face ou à égalité pour résoudre le conflit la victime qui se sent mal d’avoir été victime et de subir un préjudice et le transgresseur qui se retrouve face à son erreur sans pouvoir faire autrement que subir, rejeter, se culpabiliser, se sentir mal.
De plus, l’image qui lui est renvoyée est négative. La personne risque de perdre une nouvelle fois confiance en elle. Plus elle perdra confiance en elle, plus le risque de transgresser de nouveau est élevé. De plus, la personne qui a commis la transgression n’a rien appris sur cette transgression et si dans le futur, la même situation se reproduit, rien ne garantit qu’elle saura mieux gérer la situation.
Pour nous éducateurs, qu’on soit professionnels ou parents, il est indispensable de proposer au transgresseur la possibilité de réparer. Nous sommes en position de gérer un conflit, nous pouvons aller dans cette direction avec cette simple phrase à avoir en tête et de tenter d’y répondre :
Vous gérez un conflit entre deux personnes, vous proposez aux deux protagonistes de répondre à cette même question. En répondant à cette question, nous nous rapprochons de la réparation. Un enfant, un élève a transgressé une règle de la vie de la classe ou de la maison, je suis l’adulte responsable, de quoi ai-je besoin pour me sentir bien avec le jeune pour poursuivre une belle relation avec lui ? En conférence, je propose au public de retenir cette phrase et de la mettre en place. Pour moi, il s’agit bien d’une sortie par le haut qu’il faut proposer au transgresseur.
Je vous propose un exemple.
« Jules, adolescent de 14 ans, s’est levé cette nuit pour aller aux toilettes, mais il avait faim et a trouvé l’assiette de cookies que sa maman avait préparé pour le petit déjeuner familial du samedi. Sans réfléchir, il plonge et mange une bonne moitié de l’assiette et retourne se coucher. Au lever, quelle ne fut pas la mauvaise surprise pour la mère de famille de retrouver son assiette amputée de la moitié de ses gâteaux. Demandant à ses enfants qui avait mangé, personne ne répondit par l’affirmative jusqu’à ce que Jules reconnaisse que c’était lui le gourmand goulu.
Elle aurait pu le priver de console durant une semaine ou de sortie pour le week-end, mais qu’aurait appris notre jeune ? Rien de positif si ce n’est la rancœur, le vengeance, une mauvaise image de lui… mais sa maman réfléchit et se posa cette question : « De quoi ai-je besoin pour que mon fils répare et qu’ainsi je me sente bien avec lui, que je puisse lui faire confiance de nouveau et qu’il sorte gagnant de cette transgression ?
Elle décida de refaire des gâteaux l’après-midi même avec son enfant qui sera obligé de rester avec sa mère plutôt que d’aller avec ses copains. Il accepta la sanction réparatrice. La mère et son fils passèrent deux heures dans la cuisine de bon temps. Jules cuisina avec sa mère et apprit ainsi à fabriquer des cookies. Il fit même la vaisselle.
Le lendemain matin, C’est Jules qui apporta l’assiette de gâteaux et expliqua la situation : « Hier, j’ai mangé dans la nuit presque tous les cookies que maman nous avait préparés pour le petit déjeuner. Je suis désolé, je n’avais pas mesuré. Hier après-midi, nous en avons fait de nouveau, mais cette fois ensemble et j’ai aidé maman. »
D’avoir permis à son fils de réparer de cette manière est le meilleur moyen pour qu’il ne récidive pas. Ils ont passé également deux heures ensemble où leur complicité a trouvé lieu et temps d’expression. La réparation fait du bien à celui qui la demande ainsi qu’à celui qui la réalise. Elle peut être contraignante, mais elle est là pour préparer l’avenir, pour que le jeune apprenne.
Cette posture de sanction réparation, sortie par le haut fonctionne particulièrement avec des précoces très allergiques à la punition dont ils mesurent très vite les limites. La sanction réparation permet au jeune et au précoce en particulier, ce jeune qui a tant besoin de cadre de grandir rassuré et en harmonie, mais également en confiance. Le jeune peut transgresser sans perdre son capital confiance. Le but ultime étant même que le jeune gagne en confiance lors d’une transgression. Plus il aura confiance, moins il transgressera.
Un autre avantage d’utiliser la sanction réparatrice comme modèle de résolution des conflits est que la personne détentrice de l’autorité et chargée de la faire respecter sortira grandie de la gestion d’une transgression. Souvent, au fond de lui, le punisseur se sent mal, n’est pas satisfait de lui, pas fier de lui. Dans le meilleur des cas, il ne ressent rien, dans le pire, il se sent mal. Poser un acte punitif engendre des sentiments négatifs alors que poser une réparation apporte du positif, de la vie, du bonheur. Il sait en punissant qu’il abime la relation, qu’il abime l’image du transgresseur et la sienne par effet de ricochet. Il ne passe pas du « bon temps » avec le jeune qu’il reprend. Alors que dans le cadre de la sanction réparatrice, le gérant de la transgression s’applique à respecter la personne, cherche des alternatives intéressantes, prépare l’avenir, développe l’empathie chez l’autre, et donc chez lui. Il cherche à renforcer le lien, à apprendre au jeune.
N’oublions pas qu’un jeune précoce a besoin régulièrement de se frotter au cadre, d’en voir la résistance pour vérifier si ce cadre le contient. Et parfois il vérifie souvent…
Jean-François Laurent
Une nouvelle saison qui débute !
Nouvelle année scolaire qui débute, nouvelle saison pour moi qui démarre avec ses projets, ses modifications, ses évolutions. L'entrée en matière fut des plus agréables avec un team bulding en Corse et une première formation au milieu des jardins de montagne, puis la semaine suivante une traditionnelle formation des jeunes professeurs du groupe saint Denis de Lyon X Rousse.
- Durant l'été, j'ai écrit un nouveau livre qui sera finalisé avec un peu de retard. Prévu pour cette rentrée, j'espère qu'il sera prêt pour le début 2016. Il s'agit d'un livre sur la gestion de la précocité dans la toute petite enfance, de 0 à 2 ans. Ecrit avec une jeune maman formée à la gestion douce des conflits, l'accueil des émotions, APIE précoce elle-même, il devrait apporter de belles réponses aux parents de précoces et aux autres également.
- Je travaille également sur la grand-parentalité en général. Je ne sais pas encore ce qui va en découler...
- J'ai également à retravailler le manuscrit d'un viel APIE qui a écrit sur sa vie.
- J'ai à coeur également de mener une médiation importante. J'en dirai plus bientôt.
Mes conférences évoluent également vers toujours plus d'interactions avec le public, de plus en plus centrées sur le développement de la confiance en soi, clé de nombreuses voies vers le bien-être. J'aborde toujours les thèmes des émotions, de la gestion des conflits des pratiques de classe, tout ce qui touche à l'autorité, les règles, les logiques de sanctions réparatrices en opposition aux punitions. Tous ces thèmes peuvent être lus au travers de la précocité ou de manière plus générale. Rappelons-,nous : Tout ce qui est bon pour un précoce est bon pour tous les jeunes.
Je propose toujours des conférences, ateliers de parole pour jeunes ou parents, formations auprès du corps enseignant, médical, para médical, parents, éducateurs...
Je vais également travailler dans le monde de l'entreprise avec des managers, responsables d'équipe sur la confiance en soi. Comment donner confiance en son équipe si on n'a pas confiance en soi ?
Je vous souhaite à tous une belle année faite de surprises, de projets et de belles émotions.
Jean-François LAURENT
Leur apprendre à dire oui
Je suis toujours surpris quand j’entends mon petit-fils répondre à une question et dire : « oui ». C’est quand même surprenant d’être surpris de ce type de réponse. Serai-je surpris si je l’entendais dire : « Non » ? Effectivement non, c’est naturel… ou plutôt culturel puisque un enfant a autant besoin du oui que du non.
J’émets plusieurs hypothèses à ce sujet.
1) Proposer avec chaque non un oui, un possible.
Trop souvent quand l’enfant découvre le Monde, quand son univers géographique s’élargit grâce à la marche, il veut tout attraper, mettre à sa bouche, toucher. Les adultes autour de lui sont donc appelé à souvent dire : « Non ma chérie, ne touche pas, pas ça et écarter les objets à ne pas prendre au risque du danger, de la fragilité, du dérangement. Le plus souvent possible, quand nous devions interdire à l’enfant de prendre tel ou tel objet, d’aller dans tel ou tel endroit… nous lui proposions un oui.
- « Non, Tristan, tu ne peux pas prendre le verre, par contre ce pot en plastique, tu peux, oui !
- « Non, Tristan, tu ne peux pas aller là, c’est dangereux. Par contre, si tu le souhaites, nous pouvons aller de ce côté ! »
2) Toujours respecter le oui et le non.
Quand on lui demande quelque chose et qu’il dit non du type : « tu veux un bisou ? Qu’il réponde par la négative, alors on respecte sa réponse sans chercher non plus à le culpabiliser parce que sa réponse ne va pas dans le sens espéré.
Si on demande à l’enfant s’il veut aller à tel ou tel endroit et qu’il répond par l’affirmative, on répond à sa demande. Sinon, il ne sait plus quoi penser, affirmer et n’exprime pas ses réels besoins. Il y a trois jours, l’enfant est sur mon dos, mais il commence à peser (comme le poids des ans) et je lui demande s’il veut descendre. Il me répond que non. Zut, je voulais le poser au sol et je lui renvoyais la responsabilité certainement pour ne pas me sentir coupable de le laisser marcher alors qu’il n’a pas envie. J’attends trois minutes et lui formule ainsi : « Tristan, j’ai mal au dos, je te pose au sol et nous marchons ensemble. » Et il a marché avec plaisir. La formulation était importante pour moi afin de respecter son oui.
3) Tenir le non comme tenir le oui
Quand un non est posé, il ne devient pas oui par pression de l’enfant. Un non s’accompagne d’explication, un oui également même si en général l’enfant en a moins besoin parce qu’on accède à son désir. « - Ça, je veux bien que tu le prennes, ce n’est pas dangereux et c’est un objet intéressant. »
« - Tu ne peux pas aller jouer dehors parce que c’est l’heure de dormir mon cœur. Je comprends que tu ne sois pas content, mais tu dois dormir. (Pose du cadre) Veux-tu que je te lise une belle histoire ? (alternative, porte de sortie) Viens, tu vas choisir… et très souvent l’enfant se calme et va chercher une histoire pour aller dormir dans un doux rituel du retour au calme et du coucher.
Et parfois, on n’arrive pas à tenir ce cadre. Alors, à ce moment-là, posez un doux et bienveillant regard sur vous.
4) On ne le force jamais
Si on lui pose une question, on ne force jamais alors qu’il a exprimé sa réponse. En respectant son non, il apprend à dire oui. En respectant son oui, il apprend à dire non à bon escient sans opposition systématique. Si on doit l’obliger à quelque chose, on ne lui pose pas de question, on lui donne une consigne. Cette consigne doit être expliquée. Dans une crise d’opposition, l’enfant peut jeter des objets au sol. Vous nommez votre ressenti en parlant de vous et non sur l’enfant. Pour cela, formulez vos phrases avec « Je » : « Je ne suis pas contente, je ne suis pas d’accord, je me sens… (cadre non). Puis vous exprimez des hypothèses : « Je dois avoir un petit garçon bien en colère qui ne comprend pas ou peut-être que tu es trop triste et que tu as trop envie... (Vous mettez des mots sur ses ressentis). N’oublions jamais que la maturité en termes de gestion des émotions s’atteint aux environs de 25 ans. Nous pouvons donc comprendre que le petit enfant soit submergé. C’est physiologiquement normal. Non, il ne le fait pas exprès. Non, ce n’est pas un caprice. Puis vous réparez ensemble et félicitez l’enfant d’avoir réparé : « Bravo mon cœur, c’est très bien, tu as tout rangé, je suis fier de toi, je t’aime. »
Isabelle Filliozat le dit et l’écrit à juste titre, même si cela déconcerte au départ, il me semble qu’elle a raison parce que cela marche quand on le met en place.. Il déborde, proposez lui un câlin, il va prendre une dose d’hormones du bonheur (ocytocine) que son cerveau va sécréter et tout va rentrer dans l’ordre. Il va se calmer et réparer. C’est plus facile, plus agréable, plus économique en temps d’agir de la sorte plutôt que partir dans un conflit d’opposition où nous laissons une sale énergie ainsi que le petit qui absorbe cette sale énergie. Un bon câlin, des paroles douces fermes et réconfortantes, c’est ce que j’appelle l’autorité bienveillante.
C’est bien beau tout cela, mais quand vous avez été élevée dans un autre cadre que je dirai plus « classique », il est difficile de mettre en place un autre système d’actions et de comportements. Alors, soyez douce avec vous-même. Fonctionnez par étapes et par paliers. Je vous propose de commencer par faire attention à vos formulations et quand vous posez une question, cela veut réellement dire que l’enfant a le choix de la réponse et que cette réponse sera respectée. Si c’est oui, c’est oui ! Commencez par là et vous verrez les effets rapidement. Un autre point aussi important, dès qu’il fait quelque chose de bien, de positif, vous le félicitez, vous le manifestez avec des mots. Mais quand il fait ce que nous qualifions dans le langage commun « une bêtise », vous utilisez des phrases « je ».
Je finis cet article avec un clin d’œil tout en affection et admiration pour ma belle-fille, jeune maman qui met en place tous ces concepts, ce système bienveillant avec un tel brio. Elle met en place ce que j’aurais aimé mettre en place pour mes propres enfants, mais je ne connaissais pas. Nous échangeons de son expérience, de ses doutes, de ses découvertes. Dans nos discussions, j’apporte de la théorie, elle met le tout en musique et même me pousse à réfléchir encore plus. Merci !
Belle route à vous.
Jean-François Laurent