
Dans son article intitulé « Faire payer ou faire apprendre ? » (Dossier Sanction, 451, mars 2007) l’auteur propose de faire de la sanction une occasion d’apprendre, comme on peut se servir d’une erreur en français pour mieux faire comprendre la règle. La place nous a manqué dans la revue pour donner un exemple de cette logique « gagnant-gagnant », le lecteur le trouvera ci-dessous.
Si l’enseignant ressent, au sortir d’un conflit, qu’il a permis à tous, y compris lui-même, d’apprendre et de grandir, alors il s’est situé dans une logique
gagnant-gagnant, qui est loin d’être dominante dans le système scolaire.
Comment faire face à un conflit entre élèves ? Comment intervenir sans humilier l’enfant récidiviste qui ne respecte pas les règles en récréation, sans crier sur celui qui a détérioré un
bureau, qui a dérobé le stylo de son voisin ?
Nous proposons d’illustrer la logique du « gagnant - gagnant » par un exemple pris dans le quotidien d’une école. L’histoire implique trois enfants, l’enseignant, une dame de service
et le directeur.
Trois enfants de CE2 ont tardé pour remonter en classe après la récréation. Aux toilettes, ils ont joué avec l’eau et la bataille engagée a inondé les toilettes. Surcroît de travail pour la
femme de ménage et colère de l’enseignante. Nous avons d’abord nommé les faits, redit le sens de la règle transgressée, en quoi elle protège et est intéressante à respecter pour chacun :
risque de chutes par glissades sur le carrelage mouillé, gaspillage d’eau, surcroît de travail pour le personnel, dégoût d’un lieu sale... mais également dérangement de la classe par une
arrivée tardive.
Puis nous avons cherché ensemble une réparation positive pour tout le monde, sans humiliation pour les transgresseurs. Elle devait conjuguer à la fois le retour à une image positive
d’eux-mêmes, le respect du travail de la dame de ménage, le respect de l’autorité de l’enseignante (règles de rentrée en classe), de l’institution et de ses lieux collectifs. Les enfants ont
proposé de s’excuser auprès de la dame de service et de l’aider en réalisant un travail qui lui faciliterait la tâche. Ils veilleraient également à ce qu’aucun enfant ne traîne aux toilettes à
la fin de la récréation.
Le visage de la dame de service s’est éclairé quand elle a été informée de la situation et des actions proposées. Elle leur a demandé de nettoyer l’une des cours, ce qui lui rendrait service
car elle y avait souvent très chaud. Le directeur a remercié les enfants pour leur attitude constructive et leur a demandé de reformuler ce qu’ils avaient appris de cette transgression de
règle.
Sans cris, la tension née de la transgression de règle s’est transformée en énergie positive, chacun se sentant respecté dans son travail. La situation
vers laquelle nous devons tendre, si facile à décrire sur le papier, est bien délicate à vivre au quotidien de la classe, de l’école : comment faire en sorte qu’en fin de
règlement de transgression nous soyons tous potentiellement satisfaits, réparés, apaisés, heureux du dénouement !
Tous...
Jean-François Laurent, enseignant et formateur.
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