Donner confiance dès le début de la vie
Passer de la théorie à la pratique est souvent un exercice délicat. Faire le chemin inverse est réjouissant. C’est ce que je vis avec un de nos petits-fils que je vois grandir à demeure. Tout son entourage familial sommes formés à la bienveillance, à la CNV, la médiation. Nous tentons et ses parents en première ligne, de vivre ce mode éducatif avec Tristan. Nous mettons à l’épreuve de la vie ce cadre bienveillant que je développe beaucoup en formation. Nous pouvons en tirer déjà quelques enseignements :
Cet enfant a une belle dose de confiance en lui. Quels sont les signes qui me le montrent ? En voici deux !
- Il a 11 mois, il est monopolisé par l’apprentissage de la marche. Il ose se lâcher en confiance et sans prendre de risques inutiles. Il sait qu’il sera récupéré si jamais il tombait. Et quand il tombe ou qu’il se cogne, ses pleurs sont accueillis et entendus. Nous n’utilisons pas de phrases du type : « C’est rien, faut pas pleurer », mais : « - Tu t’es fait mal, c’est désagréable, je comprends… »
- Dans l’eau, il n’a pas peur. Il peut se mouiller le visage, entrer dans les vaguelettes en étant tenu par les mains, prendre plaisir dans ce milieu étrange.
Sur quelles pratiques quotidiennes nous appuyons-nous ?
- Au grand jamais nous n’utilisons l’émotion de peur pour poser un cadre bienveillant. Jamais une menace du type : « Attention, si tu n’es pas sage, tu vas voir, avoir… » Jamais nous ne lui faisons peur ou cherchons à le culpabiliser. Quand nous posons un interdit, il est formulé du type : « Non, Tristan, je ne suis pas d’accord, c’est dangereux. Non, je ne veux pas, tu n’as pas le droit. Ça c’est interdit… A cet âge-là, il veut toucher à tout, tout prendre ce qui est à sa portée. A chaque interdit, nous offrons un possible : « Ça, je ne veux pas, mais ça, tu peux le prendre. » A chaque fois, nous offrons une alternative.
- Nous lui disons beaucoup que nous l’aimons, que c’est le plus beau bébé du Monde. Certains nous disent qu’il ne faut pas trop leur dire, qu’il pourrait devenir capricieux. Pour moi, il s’agit d’une ineptie. C’est tout l’inverse qui se passe. Elevons nos enfants à l’amour explicité, nommé, vécu. Embrassons nos enfants, caressons-les et ils savent très bien nous exprimer meurs besoins de jouer, d’affection, de tranquillité, de sommeil… Un petit est un nid à chaudoudoux. Il s’en nourrit jusqu’à plus soif. Mais il nous en donne tellement par ses éclats de rire, des regards, ses câlins, ses progrès, ses babillements.
- Un enfant n’est pas capricieux et ne nait pas capricieux. Quand il est le plus possible entendu dans ses besoins, respecté, ce qui ne veut surtout pas dire qu’il a le droit de tout faire, il n’a pas besoin de redoubler de cris et hurlements. Quand nous ne comprenons pas, nous lui exprimons. Quand nous sommes fatigués, nous lui nommons, quand nous ne sommes pas d’accord, nous le manifestons et agissons en conséquence.
- Beaucoup l’encourager. Nous relevons toutes ses micro réussites pour nous qui sont de grandes réussites pour lui : répéter des sons, des gestes, se redresser tout seul, attraper un objet, placer un objet dans un autre, bien manger… Tout est prétexte à le féliciter. Mais quand il ne réussit pas, l’encourager à recommencer, lui proposer une autre réussite, ne pas stigmatiser la non réussite. Il me semble important que l’entourage de l’enfant manifeste clairement ses émotions de joie devant la réussite d’un petit.
Nous avons un petit enfant joyeux. Nous l’entourons également de rires et de bonne humeur. Il rit beaucoup.
Bien entendu aucun coup ne lui est porté, ni une seule menace. Il faut dire qu’avec le cadre que nous proposons, cela ne nous vient pas en tête d’agir de cette manière. J’entends par coups des tapes sur les mains ou pire encore une fessée ou une gifle, tirage de cheveux, d’oreille... Jamais ! Jamais ! Ce serait banaliser la violence et lui apprendre qu’il faut donner des coups pour résoudre une situation, que ses parents qui l’aiment ont légitimité à lui porter des coups. Quand on aime, on frappe ! Tiens, tiens, bizarre. Les coups portés au cœur par des mots sont exclus également. Nous ne crions pas mais pouvons parler fermement pour nommer un mécontentement. Plus un enfant est frappé, moins il a confiance en lui, plus il est lui-même violent ou risque de se refermer sur lui-même, être insécure et ne plus oser.
Cela développerait chez lui le sentiment d’humiliation, de peur, de crainte et nuirait fortement à la confiance qu’il doit emmagasiner pour affronter le Monde et vivre en harmonie. Ses deux parents étant APIES, il montre toutes les caractéristiques du petit APIE. Tout est donc multiplié en termes d’émotions pour lui et le frapper serait catastrophique.
Je suis plutôt du type grand-père qui fond. Mais quand je manifeste mon désaccord, il me regarde surpris et comprend que je ne suis pas d’accord. S’il faut le formuler de nouveau, je le fais. Il s’agit bien d’un : « Non, non, non ! » Il doit savoir que nous lui proposons des possibles et ne restons pas sur un interdit. Cela lui convient : « La fourchette, tu ne peux pas, mais la cuiller, je te la donne ! »
Il a un cadre horaire qui s’adapte avec les saisons. Plus il fait nuit tard, plus le temps du coucher est retardé (20 h actuellement). Nous organisons les activités en fonction du rythme de Tristan, de ses siestes, ses repas, son bain, son coucher... C’est le prix pour qu’il soit bien.
- Les rituels du coucher évoluent avec l’âge et les envies de chacun. Pour nous, c’est sa maman qui le couche après une chanson et un câlin, ceci après la « petite soirée » où il prend des livres dans un lieu calme avec des mots calmes et doux.
- Aucun écran ! Et le challenge est difficile tant nous sommes entourés d’écran : TV, ordinateurs, smart phones… Il est comme fasciné et aimanté à ces écrans. Il ne regarde jamais pour l’instant un écran. Ni dessin animé, ni journal tv du soir avec l’ensemble de la famille. La TV ne fonctionne pas quand l’enfant est présent. Nous souhaitons éviter qu’il s’abreuve de scènes violentes ou excitantes.
- Entourer les parents. Que c’est fatiguant un petit et une maman seule, isolée est une maman en danger et son petit par voie de conséquence également. Elle risque de s’épuiser, de perdre en lucidité, de craquer. Il faut une énergie peu commune pour rester zen par moment et il est normal qu’une maman craque fatigue. Elle doit pouvoir passer des relais, se garder quelques moments pour elle, pour son couple. L’entourage proche est là pour cela, pour la délester de temps en temps, lui garder son petit pour qu’elle puisse faire une petite sieste, s’occuper d’elle-même. Un autre point est la transmission. Une grand-mère transmet à sa fille devenue maman son expérience, son point de vue sans que la maman soit dépossédée de sa responsabilité de maman. Nous confrontons nos points de vue, réfléchissons ensemble, demandons si ce que nous faisons est adapté à l’enfant, ce qu’en pense l’autre…
Pour moi, c’est une des grandes difficultés actuelle : la solitude des parents. C’est si astreignant d’élever un enfant, mais si merveilleux.
Pour reprendre les grands points évoqués, mais non exhaustifs :
- Ne jamais mettre en avant le levier de la peur.
- L’inonder de chaudoudoux.
- Beaucoup l’encourager
- Ne jamais lui donner de coups sous n’importe quelle forme.
- Cadre horaire qui respecte son rythme biologique.
- Des rituels qui rassurent.
- Aucun écran jusqu’à nouvel ordre.
- Relayer et entourer la maman et le papa toujours en première ligne.
Bien sûr, ce n’est pas toujours tout rose du matin au soir, sans compter les nuits où il a mal aux dents ou au ventre, qu’il est inquiet ou qu’il a trop chaud… . Toutes ces questions qu’on se pose, les doutes ; mais tellement de joies, de bonheur. Ce petit est un puits d’amour dans lequel chacun se ressource. L’année dernière, je me disais : « Fini l’année prochaine la mer et la plage tranquille. J’avais simplement oublié un paramètre : l’Amour. L’amour qui efface tout, qui efface les contraintes pour les transformer en bonheur, qui enchante une baignade, qui lui donne sens, une promenade qui oblige à regarder les papillons avec lui, sentir les herbes sur sa peau, prendre le temps de l’enfant et s’émerveiller à sa mesure, la mesure de l’Amour.
Chers parents, éducateurs, lecteurs, je ne savais pas tout cela quand mes propres enfants étaient en bas âge. Quel regret de ne pas leur avoir permis de conserver ce capital confiance qu’ils avaient en eux par des pratiques de « l’époque » comme on dit. Alors, je ne commettrai pas la même erreur avec mes petits-enfants, du moins ceux avec qui je partage ma vie de manière conséquente ! Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour remercier du fond du cœur ma belle-fille Marie-Restitude et mon gendre Laurent pour nous permettre de vivre cette belle aventure commune.
Jean-François Laurent