J’avais écrit un article plutôt engagé il y a quelques temps sur la violence du système sur les acteurs eux-mêmes et que chacune des « strates » reportait sur celle du dessous les violences vécues avec celle du dessus, quel que soit le niveau où on se situe dans l’Education Nationale. J’avais interrogé les anciens Inspecteurs d’académie devenus DASEN (directeurs académiques des services de l’éducation nationale) qui n’avaient pas osé se prononcer, des IEN (Inspecteurs de l’Education nationale,) des directeurs proviseurs, des enseignants, des enfants… Pour moi, du ministre de l’Education jusqu’à l’élève, une cascade de violence existait et je n’étais pas étonné qu’arrivé aux utilisateurs du système, les jeunes, ceux-ci développent une certaine violence vis-à-vis des professeurs ou de leurs pairs, récoltant la violence transmise par le système.
Je m’étais révolté contre l’attitude de l’IEN vis-à-vis de ma jeune collègue enseignante qu’elle avait humiliée, découragée… Bref, une attitude que je trouvais très violente et qui n’était que le reflet de la cascade de la violence scolaire dans son ensemble.
J’avais également relevé avec amertume que lors de ma démission, j’aurais juste aimé un petit mot de remerciement du DASEN ou de l’IEN et non une circulaire froide et administrative. Où était la place de l’Humain ? D’où ma forte critique de la hiérarchie. Je pensais que cela n'existait pas, que c'était ainsi, fataliste.
MAIS j’avais oublié un paramètre important : le facteur humain. Le système est composé d’Hommes et de Femmes et c’est une dimension que j’avais occultée. Le système, c’est nous et nous pouvons l’humaniser, j’en ai pour illustration un exemple vécu il y a peu sur une circonscription aux environs de Paris, à Meaux pour être plus précis.
Au cours d’un repas dans un cadre très agréable, je discute de violence scolaire avec un IEN (Gilles) alors que c’est le sujet de la conférence que je tiendrai le lendemain auprès de tous les professeurs d’école de la ville.

Je le questionne sur la cascade de violence scolaire et il me confirme que le système peut être très violent, y compris auprès des DASEN qui ont pu être mutés sur décision politique ou vivant des pressions très fortes. Oui également sur les IEN. Bref, il confirmait ma théorie. Mais lorsque je lui parlais de mes besoins quand j’ai quitté l’éducation nationale, il m’a nommé très simplement ce qu’il faisait de façon bien naturelle dans sa circonscription :
- Quand une enseignante a un bébé, il lui envoie un mail personnel de félicitation. Elles m'ont t"moigné combien elles étaient touchées par cette délicate attention.
- Quand un enseignant part en retraite, il lui remet un diplôme de départ en retraite personnalisé, mais également une lettre de remer
ciements.
- A chaque fin d’année scolaire, il envoie une lettre à chaque enseignant de sa circonscription où il relève les points forts du travail accompli pendant l’année scolaire et souhaite à chacun (e) des vacances reposantes.
Résultats : Des chaudoudoux à foison, une vraie reconnaissance, une circonscription dynamique qui avance malgré un public parfois difficile, des enseignants reconnaissants et des enfants plus apaisés par les projets et le remplacement de la cascade de violence par la cascade de bienveillance.
J’avais occulté le fait que c’était d’abord et toujours une histoire d’Hommes et de Femmes et que, malgré le système, chacun avait sa marge de manœuvre, sa part de liberté à prendre, que chacun, où qu’il se situe sur la logique pyramidale de l’éducation nationale, avait sa part d’Humanité à exprimer. Se réfugier derrière le système est une attitude trop « facile ». Gilles, IEN, nous montre que l’Humanité n’est pas réservée aux professeurs au bas de l’échelle du système, mais que des responsables ont aussi une belle part de bienveillance à vivre et que c’est possible. Oui, il subit quelques pressions. Oui, il prend quelques libertés vis à vis des procédures mais oui également il est apprécié des équipes qu’il manage, oui il a de bons résultats en terme de dynamique des équipes, de progrès des élèves, de bien être tout simplement des personnes. Un inspecteur dont tous les professeurs espèrent une rencontre.
Maintenant, j’espère une
rencontre en remontant dans la hiérarchie avec un DASEN qui aura la même humanité à mettre en œuvre.
C’est possible d’Humaniser cette grosse machine : C’est simplement une histoire, une volonté des Hommes et Femmes qui la composent.
Jean-François Laurent